Le dossier médical
C’est un outil essentiel pour chaque médecin dans la pratique de son activité professionnelle dont il n’existe curieusement pas de définition légale précise .
Mais de nombreux textes concernent toutefois son existence, son contenu, ainsi que ses modalités de conservation et de consultation.
Il peut être analysé comme l’ensemble des informations formalisées sur un support tels que résultats d’examen - compte-rendu de consultation ou d’intervention - prescriptions thérapeutiques - correspondances entre professionnels de santé – etc… , concernant la santé d’un patient et son évolution.
Il est détenu par des professionnels ou établissements de santé qui ont contribué à l’élaboration et au suivi du diagnostic et du traitement ou d’une action de prévention concernant ce patient .
Pour les Etablissements de Soins , la création d’un dossier médical pour chaque patient pris en charge existe depuis 1991 .
Puis l’institution d’un "dossier de suivi médical " pour chaque patient , en 1994, a eu pour finalité de généraliser l'existence d’un dossier médical pour chaque patient quelque soit le mode d’exercice du médecin qui le traite .
Enfin , l’article R4127-55 du Code de la Santé Publique stipule, lui, "qu’indépendamment du dossier de suivi médical prévu par la Loi , le médecin tient pour chaque patient une fiche d’observation qui lui est personnelle. Cette fiche est confidentielle et comporte des éléments actualisés , nécessaires aux décisions diagnostiques et thérapeutiques .
Les notes personnelles du médecin ne sont ni transmissibles ni accessibles au patient et aux tiers .
Dans tous les cas, ces documents sont conservés sous la responsabilité du médecin .
A la demande du patient ou avec son consentement , le médecin transmet aux médecins qui participent à la prise en charge et à ceux qu’il entend consulter les informations et documents utiles à la continuité des soins .
Il en va de même lorsque le patient porte son choix sur un autre médecin traitant ".
Constitution du dossier médical :
1- Plusieurs supports sont possible : Soit papier, soit informatique .
Son volume peut aller au minimum de la simple fiche d’observation à un ensemble volumineux regroupant des observations médicales , des discussions diagnostiques, des résultats d’examen , des documents concernant le suivi médical du patient , des courriers échangés , etc.
2- Son contenu peut schématiquement être divisé en deux catégories d’éléments :
- Les éléments qualifiés d’objectif tels que les résultats d’examen , les compte-rendu d’hospitalisation , les compte-rendu opératoires , les éléments objectifs cliniques et para-clinique nécessaires aux décisions diagnostiques et thérapeutiques , etc …
- Et les éléments qualifiés de subjectif pouvant comporter une part d’interprétatio , tels que des discussions et hypothèses de travail du médecin ne contribuant pas à l’élaboration et au suivi du diagnostic et du traitement, des informations sur le patient ou son entourage recueillis auprès de tiers n’intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique , des appréciations personnelles du médecin, des confidences éventuelles du patient sur des tiers , certains courriers, etc.. .
On peut remarquer que la frontière entre les deux est parfois bien ténue , mais cette distinction est cependant fondamentale en cas de transmission ou de saisie du dossier médical .
Il est donc important pour chaque médecin d‘apporter la plus vive attention au contenu et à la qualité du dossier
médical qu’il constitue pour chacun de ses patients , puisqu’il en assume la responsabilité .
Conservation du dossier médical :
1- La Réglementation :
L’article R4127-73 du Code de la Santé Publique dispose que "le médecin doit protéger contre toute indiscrétion les documents médicaux concernant les personnes qu’il a soignées ou examinées, quels que soient le contenu ou le support de ces documents .
Il en va de même des informations médicales dont il peut être le détenteur" …
2- Les Modalités de Conservation et la Responsabilité :
Le dossier médical est donc couvert par le secret professionnel et le médecin est personnellement responsable de sa protection contre toute indiscrétion .
Il doit donc en assurer la conservation en prenant toutes les précautions matérielles utiles et nécessaires qui permettront d’en respecter la confidentialité et l’intégrité (Ex : Locaux et moyens de stockage appropriés ).
Les dossiers médicaux enregistrés et conservés sur support informatique doivent , par ailleurs , faire l’objet d’une déclaration à la CNIL qui vérifiera la présence et le respect de dispositifs de sécurité visant à protéger ces dossiers .
3- Les Délais de Conservation :
Pour les médecins exerçant en secteur libéral , le délai de conservation des dossiers médicaux s’aligne sur le délai de conservation des archives prévu par le Code Civil : La prescription en est trentenaire .
Pours les établissements de soins, c’est la Loi qui fixe les délais de conservation des dossiers médicaux en fonction de diverses situations envisagées .
La Loi prévoit également un délai de prescription bien précis (10 ans à compter de la consolidation du dommage ) en cas d’action tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels ou établissements de santé postérieure à la date d’entrée en vigueur de cette Loi (Mars 2002) .
4- Intérêts de cette Conservation des dossiers médicaux :
D'abord, le dossier médical est une pièce essentielle pour assurer la continuité des soins aux patients .
Ensuite, depuis la Loi de Mars 2002 , le médecin a l'obligation d'apporter une réponse à toute demande justifiée de communication d'un dossier médical formulée par un patient ou ses ayant droits .
Enfin , les éléments contenus dans un dossier médical sont des moyens de preuve en cas d’action de recherche en responsabilité formulée à l’encontre du médecin qui en est le détenteur .
5- Remarques d'ordre pratique :
En cas de cessation d’activité sans successeur ou de décès d’un médecin exerçant en secteur libéral, il est indispensable de signaler au Conseil Départemental le sort et le lieu de conservation des dossiers médicaux .
La conservation des dossiers médicaux peut, dans certains cas , être confiée à des sociétés privées d’archivage.
Communication du dossier médical :
Le dossier médical étant dans son intégralité couvert par le secret professionnel, sa communication reste l’exception dans des circonstances bien déterminées par la Loi (Par exemple, il existe un secret médical partagé entre un médecin traitant et le médecin conseil de l’assurance maladie ) .
Toutefois, l’évolution marquante dans ce domaine est représentée par la Loi n°2002-303 du 4 mars 2002 et le Décret n° 2002-637 du 29/04/2002 qui permettent désormais un accès direct du patient (ou de son représentant légal ou de ses ayant droit selon les circonstances ) à son dossier médical .
1- Les personnes bénéficiaires de cet accès au dossier médical :
- le patient lui-même de son vivant ,
- son représentant légal (s’il est mineur ou majeur sous tutelle),
- le médecin qu'il aurait pu désigner comme intermédiaire dans certains cas ,
- ses ayants droit après son décès , sauf volonté contraire exprimée par ce patient avant son décès, dans le but de connaître les causes de la mort ou de défendre la mémoire du défunt ou de faire valoir ses droits.
L'ayant droit concerné doit justifier de sa qualité (en fournissant une attestation du notaire chargé de la succession du patient concerné) et préciser par écrit le motif de sa demande .
2- Les informations accessibles par le bénéficiaire de cet accès au dossier médical :
- Ce sont les informations concernant la santé du patient détenues, à quelque titre que ce soit, par des professionnels et établissements de santé,
- qui sont formalisées ou ont fait l’objet d’échanges écrits entre professionnels de santé, notamment des résultats d'examen, compte-rendus de consultation, d'intervention, d'exploration ou d'hospitalisation, des protocoles et prescriptions thérapeutiques mis en oeuvre, feuilles de surveillance, correspondances entre professionnels de santé,
- à l’exception des informations mentionnant qu’elles ont été recueillies auprès de tiers n’intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel tiers .
3- Les destinataires de la demande d'accès au dossier médical :
- Le professionnel de santé qui a pris en charge le patient ,
- Ou le directeur de l'établissement de santé , ou à la personne que ce dernier a désignée à cet effet et dont le nom est porté à la connaissance du public (livret d'accueil...) , ayant pris en charge le patient ,
- Ou l'hébergeur de données (organisme agréé pour recevoir en dépôt des informations de santé à caractère personnel informatisées), qu'elles lui aient été confiées par le patient lui-même, un professionnel ou un établissement de santé.
Dans ces deux derniers cas, l'hébergeur ne peut communiquer les informations sans l'accord du professionnel ou de l'établissement de santé qui les lui a déposées (art.8 du Décret).
4- Les modalités de la demande d'accès au dossier médical :
- Le demandeur doit préciser son identité ( ou être invité à le faire) ,
- Et le mode de communication qu'il choisit (consultation sur place avec remise possible de copies, ou envoi à ses frais de copies des documents ).
Dans tous les cas , des frais de participation aux copies effectuées peuvent lui être demandés.
5- Les délais de communication des éléments du dossier médical :
- Dans un délai de 8 jours pour un dossier récent .
- Dans un délai de deux mois pour un dossier dont la dernière pièce remonte à cinq ans .
Ces délais courent à compter du jour de réception de la demande.
6- Remarque Pratique :
En aucun cas , la remise d’éléments du dossier médical par un médecin à son patient ou à ses ayant-droit ne doit lui faire oublier qu’il doit impérativement , pour des raisons d’ordre médico-légal , garder un exemplaire de tout ce qu’il remet.
Cas particulier : La demande d'informations émanant d'une Compagnie d'Assurances
1- Le médecin ne peut pas transmettre de copie du dossier médical d’un de ses patients directement à une compagnie d'assurances
Dans l'intérêt de ce patient, il peut lui fournir - et à lui seul - une attestation ou un certificat ou un résumé d'observation que ce dernier - et lui seul - pourra ensuite éventuellement remettre à un tiers s’il le juge opportun.
Le document fourni, rédigé sur papier à en-tête du médecin, doit comporter la mention : "Document établi à la demande de Mr……. et remis en main propre le ...." .
Le médecin n’a donc pas à remplir directement, ni à contresigner, le "questionnaire de santé" à l’en-tête d’une Compagnie d’Assurances que pourrait lui présenter son patient .
2- En cas de décès de son patient , le médecin peut transmettre dans les conditions prévues par la Loi de Mars 2002 une copie de son dossier médical à ses ayant droits qui le demanderaient .
Ces derniers pourront alors adresser à la compagnie d’assurances qui les sollicite , dans le cadre du versement éventuel d’un capital , les éléments qu’ils jugeront opportun de transmettre à cet effet .